Jean-François Revel a repéré le véritable et idéologiquement tyrannique héritier du socialo-communisme dans l'«anti-racisme», transformé en machine à stigmatiser et ostraciser ceux qui n'acceptent pas de céder au diktat d'un multiculturalisme fourrier de l'islamisation des sociétés ouvertes. Il s'en avise très tôt, dès le printemps 1992: « On se demande souvent quelle idéologie va remplacer le socialisme. Mais elle, est déjà là sous nos yeux : c'est l'anti-racisme. Entendons-nous bien: l'antiracisme dont je parle n'a pas pour but réel de servir de lutte contre le racisme, pas plus que le socialisme n'avait pour but réel de lutter contre la pauvreté et l'inégalité. Comme toutes les idéologies, celle de l'anti-racisme se propose non de servir ceux qu'elle prétend délivrer, mais d'asservir ceux qu'elle vise à enrôler (...)
Agissant par la terreur et non par la raison, cet anti-racisme fabrique plus de racistes qu'il n'en guérit. Telles les autres idéologies, celle-ci est à la fois confuse et péremptoire dans la théorie, terroriste et contradictoire dans la pratique. L'antiracisme idéologique, qu'il faut soigneusement distinguer de l'anti-racisme effectif et sincère, attise les divisions entre humains au nom de leur fraternité proclamée » (reproduit dans La fin du siècle des ombres, 1999, p. 395). Jamais plus ensuite il ne cessera de pourfendre cette nouvelle idéologie dominante qui alimente désormais censure et chasse aux sorcières.
Notre académicien n'était naturellement pas plus tendre avec l'islam, autre tabou qui tétanise les esprits faibles et engendre des cohortes d'idiots utiles de l'anti-racisme. Pour ce rationaliste laïque fidèle à l'esprit des Lumières (on lui doit une lumineuse définition de la vraie laïcité: « Si la laïcité entretient un lien intime avec la démocratie, c'est que celle-ci respecte la liberté de tous les cultes et refuse l'intrusion de l'un ou l'autre de ces cultes dans la sphère publique, laquelle doit rester neutre » -avis à la sainte alliance Vatican-La Mecque !), il n'y avait guère de différence entre islam et islamisme. Car selon Revel, « l'islam, depuis ses origines, se définit et se vit comme indissociable du pouvoir et de l'organisation de la société tout entière. Il ne tolère pas la séparation du civil et du religieux sur laquelle reposent les Etats modernes » (Le Point, 24 avril 1897). Et tant l'idée d'un « islam tolérant » que celle de « musulmans modérés » lui paraissaient relever de l'imposture. « J'ai lu dans ma vie maints textes de plusieurs musulmans ou spécialistes occidentaux du Coran selon lesquels l'islam serait une religion par essence des plus tolérantes. Mais il doit s'agir d'une essence bien cachée, bien secrète, car j'en ai rarement vu la moindre manifestation dans la pratique » écrivait-il dans Le Regain démocratique (1992, p. 363) ; il persiste et signe dix ans plus tard dans L'Obsession anti-américaine: « La "tolérance musulmane » est à sens unique. Elle est celle que les musulmans exigent pour eux seuls et qu'ils ne déploient jamais envers les autres » (p. 125). Quant aux fameux « musulmans modérés » tellement majoritaires dont parlent toujours les dévots du Politiquement correct -ce qui englobe en ce domaine pratiquement tout le monde, y compris, hélas, beaucoup de libéraux- Revel avait beau désespérément tendre l'oreille et écarquiller les yeux, il n'en entendait ni ne voyait guère: « On souhaiterait parfois que cette majorité supposée (modérée) se prononce de façon plus ouverte, se manifeste de façon plus massive contre l'intolérance des extrémistes. Son silence est accablant »(Le Point, 2 mars 1996) ; et il en remet une louche dans L'Obsession en 2002 : « La notion que « l'immense majorité » des musulmans fixés en Europe serait modérée se révèle n'être qu'un rêve, ce qui fut mis spectaculairement en lumière durant les deux mois qui suivirent les attentats contre les Etats-Unis » (p. 128). Et encore l'ami Jean-François n'a-t-il pu commenter l'affligeante réaction de ces mêmes prétendus « modérés » lors de l'affaire des « caricatures de Mahomet » ou celle de Robert Redeker.
Alain Laurent
Extrait d’un article de l’auteur paru dans la revue de l’ALEPS de juillet 2007 sous le titre: « (Re)lire Jean-François Revel ».
19 août 2008