Création d'entreprises et usine à gaz
L'économie, tout militant de gauche vous le dira, c'est sale, plein d'horribles entrepreneurs, souvent multinationaux, qui ne pensent qu'à aller piller le tiers-monde, exploiter leurs salariés, avant de les virer comme des malpropres.
Heureusement, de belles âmes généreuses, vétues de probité candide et de lin blanc, apportent, dans notre affreux monde capitaliste, égoïste et matérialiste, une vision idyllique de la production et des échanges. Si vous acceptez de passer, avec elles, des ténèbres à la lumière, vous découvrirez une autre économie, assainie et nettoyée par toutes les mères Denis de l'"alter-monde". C'est ainsi que vous ferez la connaissance du développement durable, de l'investissement éthique, du commerce équitable, de l'économie sociale et solidaire et autres jolies formules servant plutôt à berner le gogo et conspuer "l'immonde ultra-libéralisme" qu'à révolutionner en profondeur notre vie économique.
Un exemple me fut fourni lundi dernier, à Clermont-Ferrand, par la présentation de l'association Auvergne active à laquelle j'étais convié, sans trop savoir de quoi il s'agissait. Je fus servi. Cette structure locale, affiliée à un réseau national nommé France active, dont le fondateur est l'ancien syndicaliste CFDT, Edmond Maire, aide des chômeurs à créer des micro-entreprises en leur apportant, à la fois, une expertise technique et financière et une aide pour obtenir un prêt bancaire et lancer leur affaire. Cela s'appelle, expression ronflante et pleine d'autosatisfaction, l' "économie sociale et solidaire".
Rien que de très bien me direz-vous? Sauf que tout cela, dans un pays normal, devrait se faire, sans trop de problèmes. Les libéraux prêchent, dans un désert, hélas! la possibilité, pour les créateurs de nouvelles entreprises performantes, les "gazelles", de bénéficier de fonds venant des particuliers, ceux-ci, en retour, verraient leur charge fiscale réduite. Solution simple, rapide, efficace et surtout émanant directement de la société civile et qui a le mérite d'éviter les pachydermes administratifs.
Mais, en France, les bonnes volontés, reconnues, des membres de l'association France ou Auvergne active, ne peuvent, bien qu'elles s'en défendent, s'investir sans construire autour d'elles un partenariat lourd, une véritable usine à gaz technocratico-politique. Qu'on en juge: pour créer 197 emplois dans de nouvelles entreprises d'Auvergne en 2006, il a fallu mettre en branle: Bruxelles, Paris, le Conseil régional, les quatre conseils généraux, la Caisse des dépôts, la Caisse d'Epargne et la fondation MACIF. Tout ça pour ça! comme dirait le dramaturge anglais. A combien s'élève, dans une telle forteresse, le coût de la création d'un seul de ces 197 emplois?
En outre, j' éprouvais un certain malaise, en entendant le président national de France active, Christian Sautter qui fut, on s'en souvient, ancien ministre de Lionel Jospin et tous ces élus socialistes de la Région et du département du Puy-de-Dôme, venus vanter leur marchandise. Vouloir donner des leçons de création d'emplois après avoir mené ou défendu les mesures de gauche qui, depuis 1981, ont multiplié le nombre des chômeurs et des précaires, c'est un tantinet culotté. Mais, heureusement, les Français commencent à prendre conscience que ce ne sont pas ceux qui ont créés les problèmes qui sont les plus qualifiés pour les résoudre.
Serge Weidmann