Tous à Jaude, sauf moi
Amis lecteurs, je vais proférer une obscénité : la nouvelle place de Jaude de Clermont-Ferrand, je m’en bats l’œil !
Je ne suis ni roller, ni SDF, ni tagger, ni pochtron, ni chien errant. Je n’ai donc rien à y faire de jour comme de nuit. Et en plus, je suis agoraphobe.
Je pourrais, me direz-vous, y aller faire mes courses ? Oui mais pour revenir chez moi à l’autre bout de la ville, les bras encombrés de paquets, pas question de prendre le bus ou le tramway comme m’y convient les beaux esprits municipaux. Et comme aucun parking supplémentaire ne pallie les aires de stationnement supprimées autour de la place, je ne prendrai pas plus ma voiture.
Je sais bien, qu’au-delà de ces raisons bassement utilitaires, je pourrais aller simplement m’y promener. C’est n’importe quoi : je dispose tout près de chez moi d’un coin de campagne calme et plein de verdure. Qu’irais-je faire là-bas ? Rencontrer Desaix ou Vercingétorix ? Certes ils ont fière allure sur leur socle. Mais, outre que je les contemple depuis vingt et un ans déjà, je trouve, pour tout dire, leur conversation plutôt réduite. La seule chose qui me plaisait c’était cette fontaine moderne devant le Centre Jaude. Trois fois hélas, M. le Maire l’a virée comme une malpropre pour la reléguer en bas de l’avenue Julien.
A dire vrai, je trouve cette nouvelle place ni nécessaire, ni sympathique. Pas nécessaire, car, comme le disait le conseiller municipal d’extrème gauche Alain Laffont, elle a déjà été refaite en 1987. On pouvait la laisser telle quelle pour encore un bon moment.
Pas sympathique car, pendant ces trois dernières années, elle a tué le petit commerce alentour et blessé nombre de mes concitoyens qui sont tombés, se sont tordus les chevilles ou fait renverser par des automobilistes en la traversant.
De plus, la publicité qu’en fait, jour après jour, le quotidien local commence à m’indisposer : trop c’est trop. Et puis, en suivant la campagne de communication, dans laquelle le pédantisme le dispute au ridicule avec ses : « il faut que les Clermontois s’approprient ce lieu identitaire et festif », j’ai l’impression d’être pris pour un imbécile.
Je ne suis donc pas allé samedi, à la réouverture, faire le badaud et, accessoirement, la claque pour donner un satisfecit à Serge Godard. Vous allez dire que je suis un vieux ronchon. C’est sans doute chez moi la manifestation d’une attitude d’homme libre : je ne hurle jamais avec les loups mais je ne bêle pas non plus avec les moutons.
Serge Weidmann