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Vent d'Auvergne
9 juillet 2005

Attentats à Londres

Cet été commence par un nouvel attentat islamiste à Londres. Devant cet événement, je laisse mon journal d’été 2005 de côté provisoirement pour donner la parole à des personne mieux qualifiées que moi pour en parler.

Le premier intervenant Claude Moniquet est un ancien journaliste et préside un  centre de recherche et de conseil dans les questions stratégiques et l’analyse de la menace terroriste.

Le document ci-dessous est paru dans le site internet : Atlantis Institute que je recommande à tous les libéraux et à ceux qui n’ont pas peur de le devenir.

Serge Weidmann

Les faits et le bilan provisoire

moniquet1Entre quatre et six (peut-être sept) bombes ont explosé le jeudi 6 juillet à Londres entre 8h49 et 10h16. Elles visaient plusieurs stations de métro et des autobus.

En milieu d’après-midi (15h25, heure locale), Scotland Yard livrait, au cours d’une conférence de presse, un premier bilan des attentats. Il était complété à 15h29 par un autre bilan émis par la London Ambulance. Ces deux bilans font état de 33 morts confirmés et au moins 345 blessés dont une cinquantaine dans un état « grave » ou « critique ». Ces chiffres et, surtout, le fait que l’on ne dispose toujours pas d’éléments chiffrés sur l’attentat qui a touché un bus à Tavistock Square fait craindre un nombre de victimes nettement plus élevé.

La revendication « formelle » et les éléments probants

Par ailleurs, et bien que la revendication au nom de « L’organisation secrète de la Djihad d’Al Qaïda en Europe » n’est pas encore authentifiée – cette authentification, qui fait appel à des techniques croisées mêlant études sémantique et linguistique, étude contextuelle et analyse du fond du document pourrait prendre plusieurs jours – l’origine islamiste de ces attentats ne fait aucun doute.

Dans le modus operandi, plusieurs éléments (qui rappellent par ailleurs les attentats de Madrid) parlent en effet d’eux-mêmes et sont autant de « signatures » de la mouvance Al Qaïda :

Le ciblage multiple (« multiple targeting ») consistant à frapper plusieurs cibles, en des endroits parfois éloignés les uns des autres, dans une séquence de temps assez réduite ;

L’attaque de « soft targets », des cibles civiles, donc, par définition, à peu près impossibles à protéger efficacement, à l’opposé de cibles officielles telles que bâtiments publics, ambassades etc. ;

La volonté de faire le maximum de victimes, attestée par le fait que les attentats se sont produits à l’heure de pointe et dans l’un des quartiers les plus animés de la capitale (autour d’Oxford Street et Euston Road).

De plus, on sait que Londres était une cible quasi désignée par les islamistes, ce que prouvent, entre autres, amplement le fait que, dans le passé, plusieurs cellules terroristes visant la capitale avaient été démantelées. L’une de ces cellules, démantelée en décembre 2002 et janvier 2003, souhaitait d’ailleurs s’en prendre au système de transport en commun.

Le timing

Le timing des attentats est troublant : ils interviennent au lendemain de la désignation de la capitale britannique comme ville olympique en 2012 et alors que le sommet du G8 est réuni en Grande-Bretagne.

Gardons-nous, cependant de toute conclusion hâtive. Le terrorisme islamique est un terrorisme opportuniste par essence : les terroristes frappent dès que trois éléments – une cible « autorisée », les moyens techniques et le moyens humains – sont réunis. Rien n’indique donc avec certitude que le moment du passage à l’action ait été choisi en fonction des évènements évoqués ci-dessus.

Quelles causes et quelles conséquences ?

Mais alors que le monde entier a les yeux fixés sur Londres et que l’enquête commence à peine, on peut d’ores et déjà se livrer à une rapide analyse des causes et des conséquences probables de la tragédie.

Les causes :

Il est évident que Londres paie aujourd’hui le prix de son « alignement » sur les États-Unis et sa participation aux opérations militaires en Afghanistan et en Irak ;

Londres, malheureusement, paie également la grave erreur politique qui a consisté, trop longtemps, à héberger dans la capitale britannique tout le gotha de l’islamisme mondial. La plupart des organisations islamiques du monde, qu’elles soient algériennes, marocaines, tunisiennes, pakistanaises, yéménites ou autres, disposent dans la capitale britannique de véritables « centres de commandement » chargés de leur propagande, de leur financement, du recrutement et des

« liaisons internationales ». De « politiques », ces groupes sont ensuite devenus « logistiques ». Ils sont, aujourd’hui,

« opérationnels » et passent à l’action.

Les conséquences :

Si le but des terroristes était de faire pression sur la Grande-Bretagne afin de lui faire modifier ou atténuer ses choix politiques, il est évident qu’ils ont d’ores et déjà perdu leur pari. Au plan intérieur, il est plus que probable que le « nettoyage » en profondeur du Londonistan se déroulera dans un avenir proche. Au plan international, Londres renforcera certainement son alliance transatlantique plutôt que de l’atténuer ;

Au plan des conséquences internationales, on remarquera que ces attentats se produisent alors que la Grande-Bretagne a accédé, le 1er juillet et pour six mois, à la présidence de l’Union européenne. Les six prochains mois seront donc largement marqués par le drame de ce matin et Londres en profitera fatalement pour faire adopter par ses alliés européens un « agenda anti-terroriste » musclé ;

L’Europe a encore des progrès à faire, même si des étapes essentielles ont déjà été franchies. Elle doit désormais comprendre qu’elle n’est pas immune devant le péril terroriste et se donner les moyens « techniques », judiciaires et politiques de le combattre. Il serait bon, par exemple, que M. Gijs De Vries, coordinateur anti-terroriste, soit doté du rôle politique qui lui fait encore défaut ;

Mais la guerre contre le terrorisme, l’Europe ne peut la gagner seule. Elle doit renforcer ses alliances. Au premier chef, bien entendu, avec les États-Unis, mais aussi avec les pays arabes démocratiques ou en voie de démocratisation qui sont les premières cibles des islamistes et les meilleurs alliés potentiels du « bloc occidental » dans cette guerre d’un nouveau genre. On pense bien sûr au Maroc, mais aussi à la Jordanie, à l’Égypte et à d’autres pays ;

Pour isoler la mouvance extrémiste, l’Europe doit également prendre à bras le corps la politique d’intégration de ses immigrés et remédier aux graves lacunes qui la caractérisent depuis trop longtemps ;

A court et moyen terme, les attentats de ce matin rappellent que chaque pays européen est ou peut devenir une cible « légitime » pour la terreur islamiste. Ne doutons pas que d’autres attentats sont déjà en préparation, ailleurs. La question, comme nous le répétons souvent n’est pas de savoir « si » ils se produiront, mais « quand ? » et « où ? ».

Claude Moniquet

Président de l'ESISC (European Strategic Intelligence and Security Center), est Senior Fellow à l'Atlantis Institute

 

 

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