La démocratie à toutes les sauces
L'Alliance française de Clermont-Ferrand présente chaque année un programme de conférences ouvert à tout le monde. Les entrées sont gratuites pour les adhérents, les lycéens, les étudiants et les chômeurs. Une participation de cinq euros est demandée aux autres personnes.
L'autre jeudi , en tant que trésorier, je me trouvais, avec Marie-Odile L. à l'entrée de la salle pour accueillir le public. Une dame d'un certain âge s'acquitte de ses cinq euros et prononce, sans malice mais avec conviction, cette phrase qui me laisse pantois: "Faire payer l'entrée à une conférence, ce n'est pas démocratique".
Qu'est-ce que la démocratie peut bien avoir à faire dans cette histoire? Marie-Odile, plus calme que moi, explique à notre interlocutrice que la somme demandée à chacun aide à couvrir, notamment, les frais de location de la salle et le déplacement du conférencier (celui-ci venait de Bretagne). L'explication glisse sur la cervelle de notre brave dame comme l'eau sur les ailes d'un canard.
Rentré chez moi, je me précipite sur Le petit Robert, version Alain Rey, et y recherche le mot "démocratie". Sait-on jamais, un de ses sens m'est peut être resté inconnu. J'ai beau lire et relire les définitions proposées, je ne comprends toujours pas en quoi demander à quelqu'un de payer pour entendre un conférencier contrevient à la souveraineté populaire ou ne respecte pas la volonté et la liberté de chacun. Car rien n'oblige notre contestataire à entrer dans la salle.
J'ai bien une explication. Si elle est juste, elle n'honore pas nos compatriotes. Dans notre société d'assistanat généralisé, avec la multiplication de cadeaux faits par l'Etat et les Collectivités locales aux uns et aux autres -cadeaux payés par les contribuables mais pas par ceux qui les font- le simple fait de demander une contribution, même minime, à l'entrée d'une manifestation fait apparaître le demandeur comme un déviationniste, un ennemi du genre humain, voire un voleur. Heureusement, la gentillesse de cette dame, si elle m'a valu un rappel à l'ordre, m'a évité, pour cette fois du moins, d'être traîné, et l'Alliance française avec moi, devant la justice des hommes. Ouf, nous l’avons échappé belle!
Serge Weidmann