Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vent d'Auvergne
25 octobre 2006

Il faut abattre Giscard

Il_faut_d_truire_GiscardLe troisième tome des mémoires de Valéry Giscard d’Estaing qui vient de paraître (1), jette un pavé brutal dans la mare politicienne en exposant, dans sa nudité, la trahison de son ancien premier ministre devenu, depuis, calife à la place du calife. Mais s’agit-il d’une révélation ou de la confirmation de ce que beaucoup de Français savaient déjà ?

J’ai gardé quelques souvenirs de cette campagne présidentielle de 1981, avec un Jacques Chirac, menant, à la tête de ses troupes du RPR, une campagne agressive. Entre les deux tours, pas d’appel à voter Giscard mais le libre choix laissé aux électeurs chiraquiens. Le maire de Paris d’alors indiqua seulement quel serait son vote « à titre personnel ».

La stratégie chiraquienne m’avait, d’ailleurs, été décrite, en quelques mots, plusieurs années auparavant, preuve que l’affaire venait de loin et était profondément enracinée dans les têtes gaullistes. C’était à l’occasion d’une réunion électorale à propos d’élections cantonales dans une zone rurale du département de l’Aube, où je résidais alors. Membre, à l’époque, du Mouvement des Radicaux de Gauche de Robert Fabre, j’allais porter la contradiction au candidat radical…de droite. A l’issue de la réunion, un cadre RPR de la ville voisine, homme sympathique et disert, bavarda avec moi et me dévoilà le pot aux roses. J’en restai comme deux ronds de flan, puis, peu à peu, oubliai ce qui était, en fait, une révélation politique de première importance.

L’affaire du coup de Jarnac RPR refit surface en 1993, quand Jean-Jacques Servan-Schreiber publia ses mémoires, intitulées « Les fossoyeurs ». Il y racontait, par le menu, une rencontre avec Jacques Chirac, à la demande de ce dernier, avant les législatives de 1978. Et ça donne cela :

« - Vous êtes d’accord avec moi, j’en suis sûr : nous ne pouvons pas laisser Giscard être réélu (dit Chirac). Il a trop mal géré son septennat.

Je ne réponds pas.

Je lui demande de bien vouloir m’expliquer sa stratégie et ses objectifs.

- Naturellement, il faut faire élire Mitterrand.

Nous ne sommes pas du tout intimes, je suis évidemment libre de répéter ce qu’il me dit-sauf qu’on ne me croirait pas (…). Chirac veut me convaincre :

- Ecoutez, Mitterrand est tellement prisonnier de son pacte avec les communistes qu’il sera vite dans l’incapacité d’agir. (…) Il n’ira pas au bout de son mandat.(…) A ce moment-là, débarrassés de Giscard et de Mitterrand, nous pourrons reprendre le pouvoir et enfin agir.

Ce plan de Chirac peut paraître fou. C’est celui qu’il va mettre en œuvre. »

L’affaire est aujourd’hui entendue. Elle éclaire d’une lumière crue les mœurs politiciennes françaises. Des hommes, assoiffés par le pouvoir, sont prêts à toutes les trahisons pour accéder à la fonction suprême. Mais, comme voyante extra-lucide, il y a mieux que Jacques Chirac, celui-ci dut attendre 1995 pour réaliser son rêve. S’il y a une leçon à tirer de cette malheureuse histoire, c’est que les Français devraient, désormais, être très exigeants, entre autres choses,  sur la valeur morale de ceux qui se présentent à leurs suffrages.

Serge Weidmann

(1) Le Pouvoir et la vie *** Choisir   aux Editions Compagnie 12, 2006

Publicité
Publicité
Commentaires
N
Salut Serge<br /> Une petite brise de Colombey, ce n'est pas loin de chez nous.<br /> J'ai eu l'occasion, il y a environ 10 ans, de m'entretenir avec un conseiller de Chaban-Delmas. Ce dernier m'a raconté l'histoire des bagarres internes de la droite française, qu'il fait remonter à la succession de De Gaulle. Cela a commencé par la lutte entre Couve et Pompidou dans la sympathique affaire Markovic, puis d'une continuation des rancunes entre Giscard et Chirac. N'oublions pas que Couve a été un temps ministre de Giscard. Bref, tout cela m'inspire quelques remarques; <br /> Primo, la rotation du personnel politique est trop lente. A ce niveau, on pourrait s'inspirer de la démocratie américaine. Quant on perd, on quitte l'arène. <br /> Secundo, il faut reconnaître que depuis De Gaulle, la droite a abandonné la lutte des idées au profit des conflits personnels. Je ne vois pas aujourd'hui de différences majeures entre Bayrou et Sarkozy par exemple, mais on a bien affaire à deux battants. En un sens c'est normal. Dès qu'une politique propose de réduire le rôle de l'état, eh bien elle propose simplement de se réduire. Est ce bien ou mal, c'est un autre débat. Donc depuis le De Gaulle "tout Etat", il y a une réduction du champ politique et de la vision à droite. J'espère qu'à ce titre on ne va pas imiter la droite américaine en se positionnant sur le terrain des valeurs; la peine de mort, anti IVG etc... . <br /> Tertio, il faut reconnaître qu'avec l'Europe et le développement des régions, le champ de l'état s'est inexorablement contracté. Nous sommes en même temps Auvergnat, Français et Européen. A chaque niveau, il y a des instances politiques mais il serait intéressant de se poser la question : qu'est ce qu'être Français en 2000. Peut-être que cela guiderait les débats.<br /> <br /> PS les divisions politiques ne sont pas le domaine réservé de la droite ... ne nous méprenons pas.
Vent d'Auvergne
Publicité
Vent d'Auvergne
Archives
Publicité