Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vent d'Auvergne
18 mai 2006

Les fantômes de la Culture

les_fantomes_de_la_cultureLe quotidien Le Figaro, dans son édition du 15 mai, nous apprend que le gouvernement, voulant enrayer la baisse de l’influence française à l’étranger, a présenté plusieurs mesures pour renforcer sa «diplomatie culturelle».

Afin de moderniser nos outils d’influence et de rayonnement dans des domaines aussi variés que l’éducation, la culture ou l’aide au développement, Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères prévoit, entre autres choses, la création d’une agence culturelle appelée « Cultures France », rien que cela. Celle-ci aura pour tâche de « promouvoir la création française à l’étranger dans toutes les disciplines, y compris le livre et le cinéma ». Fermez le ban.

Nos gouvernants et leurs collaborateurs sortis de l’ENA ont décidément un petit pois à la place du cerveau. Devant tout problème, aussi grave soit-il, la gauche et la (fausse) droite ont une réponse unique : créer de nouveaux machins subventionnés. Frères contribuables, merci. Outre que son nouveau comité Théodule marche sur les pieds des organisations qui sont déjà sur la brèche, comme le Ministère des Affaires culturelles, le Corps diplomatique, les établissements de l’Alliance française, créant ainsi doublons, chevauchements de projets, donc mécontentements et conflits, le ministre ne prend pas le temps de faire un diagnostic sérieux de la situation et perd, de ce fait,  l’occasion d’y apporter une réponse adaptée, en utilisant, au mieux, les moyens, souvent nombreux, en structures et en hommes dont il dispose déjà.

Mais une autre remarque, cruelle, s’impose. Si notre « diplomatie culturelle » est déficiente, c’est peut être parce que « l’Etat culturel », pour reprendre le titre du livre de Marc Fumaroli, n’a pas fait son travail en France même ou l’a mal fait. L’Etat, comme les collectivités territoriales, ont beau injecter de l’argent, souvent à tire larigot, dans tous les tuyaux de la culture : lecture, cinéma, théâtre…, le résultat est là : nous pataugeons dans une indécrottable médiocrité. L’arrosage culturel pratiqué depuis Malraux, et accentué par tous ses successeurs à un point que l’on peut qualifier de dérive, n’a fait apparaître aucun nouveau Renoir, aucun nouveau René Clair dans le cinéma français. La Grande Illusion, c’était tout de même autre chose qu’ Amélie Poulain. Et en littérature, où sont les Hugo, les Balzac, les Flaubert, les Dumas du XXIème siècle ? Au théâtre qui a remplacé Anouilh, Giraudoux, Cocteau comme auteurs et Copeau, Dullin, Jouvet ou Vilar comme metteurs en scène ? On pourrait poursuivre cette revue funèbre dans d’autres domaines : en peinture, dans la sculpture, en philosophie. J’arrêterai là par pitié pour Mr Douste-Blazy.

Ainsi nous voudrions exporter la lumière alors que nous sommes dans la nuit ? Si la situation est ce qu'elle est, n’est ce pas à cause, justement, de ces interventions publiques, faites sans discernement, qui n’encouragent que des fumistes, lesquels, assurés d’avoir leur pitance quoi qu’ils fassent,  ne forcent pas leur talent ?

De plus, quand l’illettrisme en France oscille entre 15 et 20% des élèves scolarisés (combien dans la population adulte qui ne lit pas et qui a quitté le collège depuis longtemps ?), quand la plupart des communicants s’exprime dans un français de caserne, du genre : « Le Président de la République est revenu sur Paris »,  il serait peut être bon de commencer par réformer les programmes et l’organisation centralisée de l’Education nationale, d’employer dans les chaînes de télévision publiques des gens qui parlent correctement le français et d’arrêter de gaspiller notre argent dans la promotion de n'importe quoi. Même sous l’ancien régime, au temps d’un roi dépensier comme le fut Louis XIV, Molière a dû faire la preuve de son génie dans les bourgades françaises et manger de la vache enragée pendant de nombreuses années, avant d’être comblé d’honneurs et d’argent par son souverain.

Serge Weidmann

Image retraitée, extraite du film de Jean Renoir : La Grande Illusion

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Quelle bonne initiative de faire un texte sur la déviance dans le financement de la culture en France et qui explique sa mauvaise rentabilité
Vent d'Auvergne
Publicité
Vent d'Auvergne
Archives
Publicité