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Vent d'Auvergne
14 septembre 2005

Liberté et égalité: les soeurs ennemies

La 28ème Université d’été des « Nouveaux économistes » qui s’est déroulée, comme tous les ans, à Aix-en-Provence était cette année consacrée à la pensée d’Alexis de Tocqueville. Seul journal national à en parler, Valeurs actuelles a interviewé son cofondateur, le professeur Jacques Garello. Voici le compte-rendu de cette interview mené par le journaliste Fabrice Madouas et  paru dans le numéro 3588 du magazine sous le titre : « L’égalité contre la liberté ». S W

Pour plus d’informations, visitez le site : www.libres.org et celui de Jacques Garello : www.jgarello.com

j_garelloPourquoi Tocqueville ?

Sa pensée est d'une grande actualité. Tocqueville s'interroge sur l'avenir de la démocratie: comment concilier la liberté et l'égalité ? Les Etats- Unis y parviennent, dit-il, grâce au système fédéral, qui permet une grande décentralisation, et, surtout, en laissant la "société civile" -c'est-à-dire les communautés locales, associatives, professionnelles, familiales- libre de jouer un rôle actif.

On reproche pourtant au libéralisme  de ne connaître que 1"'individu", au mépris des communautés que vous évoquez...

Le libéralisme est un pavillon qui recouvre des marchandises très différentes. Pour Tocqueville, le sentiment qui domine la nature humaine, c’est la jalousie : les gens n'aiment pas la différence, ils préfèrent l'égalité. Les classiques, comme Adam Smith, et les libéraux de l’école autrichienne (Hayek, Mises. ..) ne partagent pas ce pessimisme. L'homme n'est pas habité par l'envie mais par la sympathie. Les individus poursuivent, c’est vrai, des intérêts particuliers, mais ils vont à la rencontre des autres pour les atteindre. Ils ont naturellement tendance à s'associer. C'est la grande théorie de Frédéric Bastiat: la vie économique est faite d’échanges de services. La société de liberté est une société de confiance.

Tocqueville souligne que l'éducation et la religion sont les piliers de tout régime démocratique "parce qu'elles font les hommes plus libres et plus civils"...

Il n'y a pas de démocratie sans société civile, et pas de société civile sans vertu personnelle. D'où l'importance de l'éducation. Les individus acquièrent une confiance mutuelle dans le cadre de leur famille, de leur entreprise, de leur association... Au contraire, l'Etat-Providence nourrit un "individualisme forcené", dit Tocqueville: c'est l'État pour tous, mais chacun pour soi ! « Se mettre à l'aise aux dépens du trésor public apparaît aux citoyens être la voie la plus aisée et la plus ouverte à tous pour s'offrir une condition qui ne leur suffit plus », résume-t-i1. Les gens dépendent si totalement de l'Etat qu'ils ne réagissent plus. Tocqueville montre bien comment l'égalité des conditions conduit au relativisme absolu. Les démocraties dérivent alors vers l'incrédulité.

À cause de l'égalité ?

Oui, l'égalité des conditions détruit la religion et les sentiments moraux, le gouvernement ayant pris la place de la Providence. Le dépérissement de l'esprit et des mœurs prépare la population au conditionnement. Les gens croient être libres de leurs choix. En réalité, ils sont assujettis à ce que Raymond Boudon appelle « la tyrannie de l'opinion ». C’est la pensée unique.  « Dans les démocraties, écrit Tocqueville, il s'en faut de beaucoup que tous les hommes qui s'occupent de littérature aient reçu une éducation littéraire. Ils aiment les livres qui se lisent vite. Il leur faut surtout de l'inattendu et du nouveau. » La société est grégarisée.

Le paradoxe, c'est que l'État se mêle de tout, et que personne n'écoute rien!

Parce qu'il veut tout faire, l'État fait tout mal. Ce que Tocqueville disait de la monarchie de Juillet s'applique à merveille aujourd'hui : « C'est un spectacle qui frappe de voir comment ce gouvernement si envahissant demeure interdit à la moindre résistance. Et comme alors il s'arrête, il hésite, parlemente (...) et demeure bien en deçà des limites naturelles de sa puissance ».

Quel conseil donneriez-vous à Dominique de Villepin, à l'issue de ses "cent jours" ?

Rompre avec l'État -Providence. Mais qui osera le faire ?

Ce n'est pas en cent jours qu'on efface deux ou trois siècles d'étatisme, mais on peut quand même annoncer quelques mesures symboliques. Par exemple, la flat tax: l'impôt à taux unique. Angela Merkel s'est engagée à le faire en Allemagne, si la CDU l'emporte. Je conseillerais surtout au Premier ministre de relire Tocqueville, Bastiat et nos libéraux français. On le dit amateur de belles lettres, et ils écrivent si bien!

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